L’activisme contre l’utilisation des animaux Ă des fins scientifiques fait partie du panorama de la recherche. Il impacte l’activitĂ© scientifique mais aussi la vie professionnelle et personnelle des chercheurs, vĂ©tĂ©rinaires, techniciens… travaillant dans ce domaine. Nous leur avons demandĂ© quelles Ă©taient les consĂ©quencesâŻde cet activisme sur leurs projets de recherche, leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Ils ont Ă©tĂ© plus dâune centaine Ă rĂ©pondre Ă ce deuxiĂšme appel Ă tĂ©moins (le premier portait sur la fatigue compassionnelle). Voici une sĂ©lection de leurs tĂ©moignages (les prĂ©noms ont Ă©tĂ© modifiĂ©s).
Avertissement
Nous remercions toutes les personnes qui ont rĂ©pondu avec sincĂ©ritĂ© Ă notre appel Ă tĂ©moins.Â
Les tĂ©moignages reçus ne reprĂ©sentent pas l’ensemble du secteur de l’expĂ©rimentation animale ni les points de vue des organismes de recherche. Ces tĂ©moignages n’ont pas pour objectif de dĂ©crĂ©dibiliser le travail essentiel des associations Ćuvrant pour le bien-ĂȘtre animal sans qui de nombreuses avancĂ©es n’auraient pas vu le jour.
Les conséquences sur les projets de recherche
Concernant les projets menĂ©s par les Ă©quipes de recherche françaises, Sara, responsable d’animalerie, et Vincent, chercheur, affirment tous les deux que l’activisme a un impact fortement nĂ©gatif sur leur travail. « L’activisme alourdit considĂ©rablement la charge de travail en rendant le systĂšme de plus en plus long/lourd et drastique ce qui impacte grandement la qualitĂ© de la recherche ainsi que le moral des personnes » nous rĂ©pond Sara qui souligne l’impact psychologique sur les employĂ©s. « L’activisme nuit sĂ©rieusement Ă la productivitĂ© vu les contraintes incidentes : [il] retarde le dĂ©but des expĂ©rimentations mais rĂ©duit aussi la propension Ă accueillir des Ă©tudiants qui s’orientent vers des recherches ne nĂ©cessitant pas le recours aux modĂšles animaux ; renforçant la crise de disponibilitĂ© des doctorants et postdoctorants » corrobore Vincent.
DĂ©sirĂ©e, ingĂ©nieure, souligne que « les demandes ne sont pas toujours cohĂ©rentes avec le bien-ĂȘtre de l’animal ou ce qu’il est physiquement possible de faire ».
NĂ©anmoins, des points positifs sont aussi mis en avant par les rĂ©pondants de notre appel Ă tĂ©moins. Ainsi, Coralie, qui travaille dans un laboratoire de recherche, nous dit : « L’activisme nous a tout de mĂȘme permis d’accĂ©lĂ©rer l’Ă©volution de nos pratiques. C’est pour cela que je pense qu’il y a eu des consĂ©quences sur la façon dont on pense les projets et dont on agit. NĂ©anmoins, l’Ă©volution de la sociĂ©tĂ© civile et de nos pratiques permet aussi de dire que ce n’est pas l’activisme qui rĂ©git aujourd’hui notre façon de penser et d’agir, que l’Ă©thique est bien ancrĂ©e ». Paul, responsable animalier, qui voit d’un bon Ćil ces actions pour le bien-ĂȘtre animal explique qu’elles ont « une consĂ©quence plutĂŽt positive en termes de qualitĂ© de nos expĂ©rimentations ». Philippe, vĂ©tĂ©rinaire, encore sur le sujet du bien-ĂȘtre animal : « Cette multiplication d’actions [est] un levier pour inciter tout le personnel Ă ĂȘtre irrĂ©prochable dans sa prise en charge du bien-ĂȘtre des animaux ».
J'ai l'impression que les activistes le sont sans savoir ce qui est derriÚre l'expérimentation animale, ce à quoi elle sert réellement.
Sans expérimentation animale pas d'avancée chirurgicale, pas de nouveaux médicaments, pas de recherche fondamentale sur les maladies...Vanessa, travaillant dans un institut public
De maniĂšre plus pragmatique, Diana, doctorante, pense : « On doit ĂȘtre irrĂ©prochable sur le traitement des animaux de laboratoire. Si certaines Ă©quipes se voient retirer leur [agrĂ©ment], c’est qu’elles ne sont pas irrĂ©prochables. Je suis pour l’expĂ©rimentation animale quand elle est nĂ©cessaire et je la pratique, et pour l’activisme pour forcer le respect du bien-ĂȘtre des animaux de laboratoire« .
Les conséquences de l'activisme sur la vie professionnelle
Les actes isolĂ©s ou organisĂ©s de la part des anti-expĂ©rimentation animale peuvent avoir un impact direct sur la vie professionnelle des personnels de laboratoire. Pascal, directeur de plateforme, nous dit qu’« au-delĂ de la charge Ă©motionnelle engendrĂ©e par les attaques rĂ©pĂ©tĂ©es, le harcĂšlement administratif, et les campagnes mensongĂšres, les actions des associations anti-recherche animale dĂ©tournent les ressources des institutions de recherche de leur mission, gĂ©nĂšrent des coĂ»ts supplĂ©mentaires, dĂ©crĂ©dibilisent la communautĂ© scientifique et contribuent Ă la fatigue compassionnelle des applicateurs et concepteurs ». Ces attaques sont aussi ressenties par Shirley, manager d’Ă©quipe universitaire, qui affirme que « les mĂ©thodes de certaines associations (heureusement pas toutes) qui utilisent souvent un extrait trĂšs court de vidĂ©o ou quelques phrases sorties de leur contexte, inquiĂštent. MĂȘme les animaleries […] avec une culture de soin trĂšs dĂ©veloppĂ©e et un engagement collectif important peuvent ainsi ĂȘtre ciblĂ©es ».
Cette crainte s’incarne aussi au moment du recrutement, ce qu’appuie CĂ©line, assistante ingĂ©nieure : « Dans le cadre professionnel, nous devons constamment ĂȘtre mĂ©fiants envers les potentielles personnes que nous souhaitons recruter, notamment en faisant des vĂ©rifications au prĂ©alable ».
Thierry, vĂ©tĂ©rinaire, pense quant Ă lui que « malheureusement, la tendance actuelle de certaines associations est de dĂ©fendre des positions radicales et de chercher l’opposition, alors que nous avons besoin d’un espace de dialogue pour construire la recherche de demain. Il est dommageable de ne pas arriver Ă Ă©tablir un espace de rencontre ». Ce besoin de dialogue est aussi marquĂ© par RenĂ©, ingĂ©nieur d’Ă©tudes, qui trouve, lui, que l’activisme « ouvre Ă©galement le dĂ©bat et permet de faire comprendre la nĂ©cessitĂ© des projets et des mĂ©thodes utilisĂ©s en laboratoire ».
L’idĂ©e que l’activisme peut faire avancer les pratiques est aussi mentionnĂ©e par FrĂ©dĂ©ric, technicien animalier et Dominique, vĂ©tĂ©rinaire. « J’ai toujours positivĂ© les actions des activistes quand elles restent sensĂ©es car elles ont permis de faire Ă©voluer les mentalitĂ©s et de faire Ă©voluer Ă©thiquement le travail expĂ©rimental » affirme FrĂ©dĂ©ric. « Il y a Ă la fois des effets trĂšs nĂ©gatifs et aussi des effets positifs de l’activisme car cela nous oblige Ă nous remettre en question, Ă revoir notre façon de nous prĂ©senter, Ă revoir ma façon de conseiller mes interlocuteurs » lui rĂ©pond Dominique. Cette pensĂ©e est aussi partagĂ©e par Shirley : « Heureusement, certaines associations de dĂ©fense des animaux sont dans une dĂ©marche positive et progressiste, ouvertes au dialogue sans renier leurs convictions. Il faut le souligner et continuer Ă Ă©changer avec elles pour une recherche toujours plus performante et respectueuse des animaux ».
Maurice, ingĂ©nieur travaillant dans le secteur public pense quant Ă lui que certains responsables d’Ă©quipes seraient plus fautifs que les activistes en ce qui concerne l’image de leur profession : « Je crois que l’activisme aide Ă faire avancer les choses, je n’ai jamais eu le moindre souci avec aucun animaliste. Au contraire, nous avons Ă©tĂ© intimidĂ©s depuis des annĂ©es par nos propres organisations professionnelles de ne pas parler, ne rien dire, ne rien montrer et les laisser communiquer Ă notre place. Le rĂ©sultat est une trĂšs mauvaise image de notre travail ».
Enfin, Fanny, vĂ©tĂ©rinaire, nous livre un tĂ©moignage complet concernant les points tant positifs que nĂ©gatifs de l’activisme sur la vie professionnelle de son Ă©quipe : « L’Ă©vocation de l’activisme me permet parfois de faire passer des messages en faveur des 3R pour aider des collĂšgues Ă dĂ©passer des points de blocage et Ă comprendre oĂč se situe notre intĂ©rĂȘt collectif. L’Ă©vocation de l’activisme est toujours anxiogĂšne pour mes collĂšgues et moi. Il y a un dĂ©calage vertigineux entre la facilitĂ© extrĂȘme Ă nuire pour un activiste et l’engagement fort que je mets en place chaque jour dans la rĂ©alisation d’une recherche reproductible et hautement responsable vis-Ă -vis des animaux. J’essaie donc de voir le plus souvent possible l’activisme comme une opportunitĂ© collective pour amĂ©liorer encore et toujours les 3R dans nos pratiques mais trĂšs souvent, je vis mal les mĂ©thodes agressives et les propos non objectifs des activistes ».
Les conséquences sur la vie privée
L’activisme peut aussi avoir des consĂ©quences jusque dans la vie privĂ©e des personnels d’animalerie. En tĂȘte de celles-ci, l’incapacitĂ© pour eux de parler de leur mĂ©tier ouvertement : « Je n’ose plus parler de mon mĂ©tier aux gens extĂ©rieurs » dit Lucie, animaliĂšre ; « D’un point de vue personnel, l’activisme m’empĂȘche de dire ce que je fais comme mĂ©tier Ă mes amis et aux personnes que je rencontre de peur de leur rĂ©action au vu des propagandes activistes » corrobore Marion, ingĂ©nieure de recherche dans le privĂ© ; « Difficile de pouvoir parler de ce que l’on fait vraiment au quotidien pour ne pas s’attirer les foudres de certaines personnes et de se retrouver dans un dĂ©bat stĂ©rile et ĂȘtre stigmatisé » relate Jacques, assistant ingĂ©nieur ; « J’ai l’impression qu’en dehors de mes collĂšgues, je n’ai personne avec qui discuter de mon quotidien au travail. Et que si je le fais, les personnes se dĂ©tournent de moi » ajoute Clarisse.
Comment faire comprendre aux gens que, oui, je travaille en expérimentation animale mais que j'aime les animaux, que je suis contre la fourrure, l'exploitation en masse,
la maltraitance animale, et que je diminue ma consommation de viande ?
Cette pression sociale Ă nous faire croire que nous sommes
de mauvaises personnes est parfois compliquée au quotidien. Je préfÚre
ne pas parler de mon travail plutÎt que de choquer et provoquer un débat.Lauralie, assistante ingénieure
Certains, comme Nicolas, chercheur, usent de « codes au restaurant lorsqu[‘ils parlent] du travail » pour s’Ă©viter des regards dĂ©placĂ©s.
MĂȘme dans un cercle social proche, les choses peuvent ĂȘtre difficiles. C’est ce que relate Isabelle, responsable d’animalerie : « Dans ma sphĂšre privĂ©e ou sociale, il reste dĂ©licat d’affronter le regard initial des nouvelles personnes que je rencontre (pas pu dire encore Ă mon groupe de théùtre, intĂ©grĂ© il y a 18 mois, que je dirige une animalerie de recherche car plusieurs membres sont trĂšs protecteurs des animaux) ». Pire encore pour Fabien, ingĂ©nieur, qui nous transmet ces mots : « La meilleure amie de ma compagne, membre de PETA, ne lui a plus adressĂ© la parole lorsque nous nous sommes mis en couple. Plusieurs membres de ma famille, vĂ©gĂ©tariens, ont des difficultĂ©s avec certains aspects de mon travail. A chaque fois que les mĂ©dias relaient un fait divers concernant lâexpĂ©rimentation animale, j’ai droit aux petits commentaires. Travaillant en mĂ©decine nuclĂ©aire, je subis aussi les faits divers concernant le nuclĂ©aire en gĂ©nĂ©ral et j’ai plusieurs fois envisagĂ© dâarrĂȘter cette activité ».
En plus de cela, les tensions peuvent aussi venir des membres de leur propre famille de maniĂšre innocente, au cours de discussions avec des personnes avec des idĂ©es trĂšs arrĂȘtĂ©es sur ce sujet. Le cas est bien plus compliquĂ© pour GĂ©raldine, ingĂ©nieure, qui « n’arrive mĂȘme pas Ă dire prĂ©cisĂ©ment ce [qu’elle fait] comme travail Ă [ses] jeunes enfants de peur qu’ils le racontent et qu’ils aient (ou [leur] famille) des problĂšmes ».
Une grande partie des tĂ©moignages appuie sur le fait que leurs interlocuteurs se font des avis sans avoir assez de connaissances, menant Ă des discussions futiles. Sophie, vĂ©tĂ©rinaire, nous dit ainsi : « Aujourd’hui, avec la pression des rĂ©seaux sociaux, il est d’autant plus important d’argumenter et d’Ă©duquer pour que la sociĂ©tĂ© ne voit pas ce sujet selon le seul point de vue des activistes et des fake-news ». Pareillement, Candice, enseignante-chercheuse dit : « J’ai conscience que les mouvements activistes sont nombreux mais cela ne m’affecte pas spĂ©cialement pour l’instant, hormis le fait que je sois parfois en colĂšre contre les allĂ©gations injustifiĂ©es et infondĂ©es qui sont portĂ©es Ă l’expĂ©rimentation animale ». Enfin, John, animalier, ajoute : « Selon moi, le problĂšme est toujours le mĂȘme : les seuls qui ont de la visibilitĂ© sont les activistes. Je dĂ©plore le fait que les mĂ©dias […] ne communiquent pas davantage sur la recherche, les conditions et normes de travail qui sont bien plus importantes que ce que la masse peut concevoir. Quand je parle de ce que je fais autour de moi Ă des non-initiĂ©s, je peux voir que soit ils ont un avis tranchĂ© (la plupart du temps faux ou incomplet Ă cause de ce qu’ils voient ou entendent) soit ils ont l’intelligence de dire qu’ils ne s’y connaissent pas ou peu et le dialogue est envisageable ».
La simple évocation du milieu de l'expérimentation animale incite
de nombreuses personnes à entrer dans un débat pour/contre, souvent
basé sur des idées reçues et une profonde méconnaissance du sujet.
Tout argument logique/scientifique étant alors
rejeté en bloc, le débat devient stérile.Martin, vétérinaire
Ce qui est de nouveau rappelĂ© par Pierrick, vĂ©tĂ©rinaire : « Au niveau privĂ©, ces attaques permanentes par des structures financĂ©es par nos impĂŽts sont ressenties comme un harcĂšlement moral car elles remettent en permanence en question notre savoir-faire et notre professionnalisme [alors qu’ils n’ont] aucune formation dans notre domaine ». Laurent, responsable d’animalerie insiste en nous disant que : « D’un point de vue vie privĂ©e, les activistes ont un impact fort sur les courants de pensĂ©e sociĂ©tale. Il nous est de plus en plus difficile de discuter du sujet de l’expĂ©rimentation animale en sociĂ©tĂ© sans dĂ©chainer les foules. Les avis sont de plus en plus radicaux ! Donc pas d’Ă©change avec les amis sur mon mĂ©tier…et c’est bien dommage ». « Je lis de nombreux articles dans lesquels notre profession est qualifiĂ©e de « sanguinaire », « sadique » et autres insultes. Cela fait mal lorsqu’au quotidien on assure le mieux possible le bien-ĂȘtre animal, qu’on a de la tendresse pour nos animaux et qu’on connaĂźt la nĂ©cessitĂ© de l’expĂ©rimentation animale pour l’avancĂ©e de la science et des thĂ©rapeutiques » nous transmet Raphaelle, ingĂ©nieure d’Ă©tudes.
Et mĂȘme pour ceux qui ne sentent pas touchĂ©s par l’activisme jusqu’Ă un cadre privĂ©, l’avenir Ă ce sujet est encore flou, comme le laisse penser Guillaume, superviseur de plateforme : « A l’heure actuelle, je ne peux pas dire que l’activisme menĂ© par certaines officines extrĂ©mistes touche Ă mon activitĂ© ou bien atteint ma vie privĂ©e. En espĂ©rant que cela dure… »
Nous souhaitions aussi diffuser le message fort de Emma, chercheuse : « Nous souffrons dĂ©jĂ d’une fatigue compassionnelle au quotidien, et principalement lors de la mise Ă mort des animaux [nĂ©cessaire] au prĂ©lĂšvement et Ă l’analyse des tissus pour la suite de nos recherches. L’ajout des remarques des activistes, principalement dans le cadre privĂ© et dans la presse, aggrave cette fatigue au quotidien. Ce que j’aimerais, c’est que l’on comprenne que mon travail a pour but final de soigner les gens, et non de faire souffrir et tuer les animaux … ». Ainsi, on voit bien que, mĂȘme si les activistes ne veulent pas nuire aux personnels techniques et scientifiques, les rĂ©sultats peuvent avoir des impacts clairs sur la psychĂ© et la santĂ© mentale des travailleurs.
MalgrĂ© tout, certains rĂ©pondants trouvent que cette pression peut avoir des aspects positifs sur leur vie privĂ©e. Brigitte, travaillant dans une universitĂ© nous a rĂ©pondu le message suivant : « Concernant la vie privĂ©e, l’activisme a paradoxalement un effet bĂ©nĂ©fique. Cela nous permet d’aborder notre domaine d’activitĂ© d’une maniĂšre plus comprĂ©hensive pour les personnes naĂŻves dans le sens oĂč elles comprennent mieux la pression d’un groupe extrĂȘme, que la recherche en elle-mĂȘme. La majoritĂ© des personnes que je connais ne soutiennent pas l’activisme. En privĂ©, les personnes s’expriment rarement de maniĂšre activiste. L’expression de l’activisme se fait gĂ©nĂ©ralement dans un contexte particulier de manifestation ou via les rĂ©seaux sociaux/mĂ©dia de maniĂšre indirecte. Personnellement, j’Ă©vite de me confronter Ă ces cas d’expression indirecte car cela est trop frustrant de devoir Ă©couter/lire sans pouvoir contrer avec des arguments ou des corrections (car bien souvent il s’agit de mĂ©sinformations). J’ai aussi rĂ©alisĂ© qu’il s’agissait d’une minoritĂ© et que cela ne valait pas la peine d’ĂȘtre frustrĂ© ou de s’Ă©nerver pour une minorité ».
Les conséquences sur la transparence et la communication
La transparence est devenue essentielle dans la recherche animale pour communiquer clairement sur les activitĂ©s rĂ©elles des laboratoires et leurs objectifs. NĂ©anmoins, certaines structures prĂ©fĂšrent ne pas ouvrir leurs portes au public en raison des pressions exercĂ©es par les activistes. C’est le cas pour Marine, ingĂ©nieure de recherche dans le privĂ©, qui nous dit : « D’un point de vue professionnel, l’activisme nous pousse Ă ne pas communiquer sur nos recherches et provoque un durcissement de la rĂ©glementation rendant de plus en plus difficile la rĂ©alisation des projets de recherche ». Sur un axe diffĂ©rent, Fatiha, directrice de recherche, rĂ©pond Ă la question de la transparence de cette maniĂšre : « Pour garantir la prĂ©servation de notre animalerie et le maintien de nos standards de travail, nous avons choisi de ne pas divulguer l’emplacement des animaux ni d’accueillir des visites d’Ă©tudiants ».
« Et surtout, il ne faut pas s’exposer mĂ©diatiquement ». La rĂ©ponse de Jean-François, directeur de recherche, met bien en Ă©vidence que l’impact de l’activisme ne se ressent pas seulement sur internet mais aussi Ă tĂ©lĂ©vision, Ă la radio ou dans les journaux. Ces pressions amĂšnent certaines personnes Ă se taire malgrĂ© leur dĂ©sir manifeste de transparence, par crainte de critiques ou de consĂ©quences plus graves.
D’autres y voient une opportunitĂ© pour adhĂ©rer Ă la dĂ©marche de transparence. C’est le cas de Patricia, chercheuse vĂ©tĂ©rinaire, qui rĂ©pond Ă ce sujet : « Les activistes « gagnent du terrain » et, mĂȘme si nous n’arrivons peut-ĂȘtre pas Ă les convaincre, le seul moyen de faire savoir ce que l’on fait dans les centres de recherche et surtout pourquoi on le fait (comprendre la biologie, soigner des gens, soigner des animaux), c’est la transparence et la communication vers le grand public ». BĂ©nĂ©dicte, vĂ©tĂ©rinaire elle aussi, rejoint ce point de vue : « Le choix d’ĂȘtre transparent ou de communiquer est en effet liĂ© Ă l’activisme car nous pensons maintenant qu’il faut le faire, que cela ne change pas le niveau d’activisme liĂ© directement Ă notre site, [mais] qu’au moins cela peut rassurer les proches/voisins, etc ».
Mais l’avenir de la recherche animale se joue aussi sur les bancs de l’Ă©cole, lĂ oĂč les Ă©tudiants choisiront leur avenir. L’activisme anti-expĂ©rimentation animale peut peser dans cette dĂ©cision. Damien, responsable d’animalerie Ă l’universitĂ©, a dĂ©cidĂ© d’ĂȘtre plus ouvert pour apporter une parole factuelle : « Travaillant Ă l’universitĂ©, j’essaie d’avoir une communication accessible Ă tous les Ă©tudiants sur le monde de l’expĂ©rimentation animale, […] en insistant sur l’importance du bien-ĂȘtre animal. Cependant, nous devons toujours ĂȘtre trĂšs vigilants par rapport aux diffĂ©rentes personnes que nous cĂŽtoyons. J’ai changĂ© la politique depuis un an. Nous sommes passĂ©s d’une politique de non-divulgation Ă une ouverture et Ă un Ă©change (nous ne nous cachons plus) ».
MalgrĂ© les efforts d’ouverture et de transparence qu’il semble indispensable de poursuivre et d’intensifier, tous les acteurs reconnaissent qu’il reste un dĂ©fi majeur : convaincre le grand public de la lĂ©gitimitĂ© et de l’Ă©thique des pratiques en expĂ©rimentation animale. Ce que reproche GĂ©raldine : « On met un point d’honneur Ă ĂȘtre irrĂ©prochables, et c’est trĂšs bien. Mais parfois, c’est un peu dĂ©courageant car en toute bonne foi, et en toute transparence (en leur ouvrant les portes de certains Ă©tablissements ou leur faisant lire des rapports), ils arrivent toujours Ă retourner les situations et nous faire passer pour des monstres ou des menteurs, c’est lassant et usant ».
Conclusion
Ces tĂ©moignages montrent la pression activiste subie au quotidien par un certain nombre d’employĂ©s de la recherche animale. Pression qui permet de se remettre en question et d’ĂȘtre vigilant mais souvent dĂ©lĂ©tĂšre pour le moral, qui peut avoir des rĂ©percussions dans la vie professionnelle et dans la vie privĂ©e, ainsi que sur les projets de recherche.
L’activisme a Ă©galement des consĂ©quences sur la transparence. Cela peut-ĂȘtre un frein pour certain mais un vĂ©ritable booster pour d’autres. EspĂ©rons que la parution prochain du rapport de la Charte de transparence sur le recours aux animaux Ă des fins scientifiques et rĂ©glementaires permettra de motiver les indĂ©cis…
