🔍 Pourquoi 90% des médicaments testés avec succès sur des animaux et des modèles non-animaux (NAMs) ne sont finalement pas commercialisés ?

Un des arguments le plus souvent avancĂ© contre l’expĂ©rimentation animale est que les modèles animaux ne peuvent pas garantir l’efficacitĂ© et la sĂ©curitĂ© d’un mĂ©dicament destinĂ© Ă  l’Homme. Mais qu’en est-il rĂ©ellement ? Nous vous expliquons ce qui se cache derrière le chiffre de 90% qui revient rĂ©gulièrement dans les dĂ©bats.

Avant tout, il convient de rappeler que le dĂ©veloppement d’un mĂ©dicament est un processus long, complexe et coĂ»teux. Il faut en effet en moyenne 15 ans de recherche et 1,5 milliard d’euros avant de pouvoir mettre un mĂ©dicament Ă  disposition des patients. Le dĂ©veloppement du mĂ©dicament suit une logique d’entonnoir : chaque Ă©tape permet d’Ă©liminer les molĂ©cules dangereuses ou inefficaces pour les patients.

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L’identification des molĂ©cules

Le haut de l’entonnoir correspond au point de départ du développement d’un médicament.

Les chercheurs utilisent pour cela des bibliothèques de molécules (aussi appelées chimiothèques). Tout comme pour les livres qui sont rangés dans des rayons spécialisés (romans, ouvrages historiques, biographies), des millions de molécules sont ainsi classées en fonction de leur structure et de leur origine (molécules issues de champignons, de plantes, de minéraux…). 

Les chercheurs vont alors sĂ©lectionner des candidats mĂ©dicaments, c’est-Ă -dire des molĂ©cules susceptibles d’avoir une action thĂ©rapeutique (en fonction de leur forme, leurs propriĂ©tĂ©s, des donnĂ©es connues sur la maladie Ă  traiter…). Pour cela, ils utilisent des outils informatiques (mĂ©thodes in silico), chimiques (mĂ©thodes in chemico), et cellulaires (mĂ©thodes in vitro).

Exemple de chimiothèque ©Charles River

Le développement pré-clinique

Les molécules d’intérêt identifiées seront évaluées sur des modèles de complexité croissante, de la cellule isolée aux organoïdes et aux organes sur puce, et ce jusqu’aux modèles animaux.

À la fin de cette étape, viendront éventuellement les tests chez l’Homme. Avant cela, il est indispensable d’évaluer les candidats médicaments sur un organisme vivant entier. Les effets d’un médicament relèvent en effet de mécanismes extrêmement complexes, qui impliquent la plupart du temps de nombreux organes, interagissant les uns avec les autres. La molécule devra être testée d’abord sur un petit animal (un rongeur généralement) puis sur un gros animal (porc, chien ou singe). Ces tests permettront notamment de déterminer la dose optimale à administrer lors des essais cliniques qui suivront. Toutefois, ce processus n’est pas linéaire, des allers-retours sont nécessaires entre les différents modèles, animaux et non-animaux.

À l’issue de ces derniers tests chez l’animal, 40% des candidats-médicaments sont exclus du processus et ne seront pas testés lors des essais cliniques. Cela démontre clairement l’importance du modèle animal lors de cette phase pré-clinique.

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La complémentarité des méthodes animales et non-animales

Les essais cliniques

Grâce aux différents modèles utilisés, la grande majorité du millier de molécules testées lors du développement pré-clinique est donc éliminée lors de cette étape en raison de leur inefficacité présumée ou de leur possible dangerosité pour l’Homme. Ce sont généralement moins de 10 molécules qui passent aux essais cliniques.

Ceux-ci se déroulent en 4 phases. Si la phase IV s’intéresse aux effets du médicament sur le long terme une fois mis sur le marché (ce qu’on appelle la pharmacovigilance), les 3 premières viennent en amont de la commercialisation :

  • Phase I : Ă©valuation de la tolĂ©rance des candidats-mĂ©dicaments sur des volontaires sains (entre 20 et 100 personnes) ;
  • Phase II : Ă©valuation de l’efficacitĂ©, observation des potentiels effets secondaires et dĂ©finition de la posologie sur des patients atteints de la maladie Ă  traiter (entre 40 et 500 patients) ;
  • Phase III : Ă©valuation de l’intĂ©rĂŞt thĂ©rapeutique sur des patients en comparant la molĂ©cule avec un placebo ou un traitement de rĂ©fĂ©rence (de quelques centaines Ă  plusieurs milliers de patients).

A l’issue de ces 3 phases sur l’Homme :

  • 50% des molĂ©cules testĂ©es seront Ă©cartĂ©es en raison d’une efficacitĂ© jugĂ©e insuffisante par rapport aux traitements existants (ce qui ne veut pas dire une efficacitĂ© nulle) ;
  • 30% le seront en raison d’effets secondaires/toxicitĂ© jugĂ©s trop importants par rapport au bĂ©nĂ©fice escomptĂ© ;
  • 10% le seront parce qu’elles n’ont pas les caractĂ©ristiques physico-chimiques leur permettant d’atteindre l’organe cible en concentration suffisamment importante.

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En conclusion, il n’est pas juste de dire que 90% des mĂ©dicaments testĂ©s avec succès chez l’animal Ă©chouent chez l’Homme, car cela reviendrait Ă  limiter la phase prĂ©-clinique aux seuls tests in vivo (sur animaux). Or la phase prĂ©-clinique intègre aussi bien les tests in vitro, in silico que les tests in vivo (sur animaux) et ces 90% concernent l’ensemble de ces tests.

D’autre part, la notion d’échec doit ĂŞtre relativisĂ©e. En effet, plus de la moitiĂ© des candidats-mĂ©dicaments dont le dĂ©veloppement s’arrĂŞte durant les essais cliniques, prĂ©sentent une efficacitĂ© jugĂ©e insuffisante, mais souvent loin d’être nulle. C’est le cas lorsqu’un candidat-mĂ©dicament ne se dĂ©marque pas suffisamment de mĂ©dicaments dĂ©jĂ  commercialisĂ©s. Le laboratoire pharmaceutique peut alors dĂ©cider de renoncer Ă  sa commercialisation.

En conclusion, la prédictivité des modèles utilisés en phase pré-clinique n’est pas parfaite, qu’ils soient animaux ou non.

Néanmoins la contribution des animaux est essentielle puisqu’en fin de phase pré-clinique, ils permettent d’exclure 40% de candidats médicaments, notamment sur la base des risques potentiels chez l’Homme.

Sources


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