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🔎 « Toujours plus de 2 000 000 d’animaux expérimentés : One Voice analyse les données 2023 » : fact-checking

Ă€ la suite de la publication par le Ministère en charge de la recherche des statistiques 2023 d’utilisations d’animaux Ă  des fins scientifiques, One Voice a publiĂ© un article intitulĂ© « Toujours plus de 2 000 000 d’animaux expĂ©rimentĂ©s: One Voice analyse les donnĂ©es 2023 ». Voici quelques prĂ©cisions et corrections nĂ©cessaires.

L’Ă©volution du nombre d’utilisations

« le seuil des 2 millions d’animaux utilisés est une nouvelle fois franchi. Si une baisse de 81 304 individus est observée en 2023, elle est si faible qu’il n’y a guère de quoi se réjouir. »
« Derrière cette apparente stabilité se cachent des réalités bien plus
préoccupantes »

One Voice évoque un franchissement du seuil des 2 millions. En réalité, le nombre d’utilisations a baissé de 3,8 % en 2023.

Cette « relative » baisse est masquée par l’intégration d’une nouvelle catégorie : les animaux destinés au maintien de colonies génétiquement modifiées, qui représentent à eux seuls 24 % des utilisations en 2023.

En excluant cette catégorie, la baisse des utilisations pour des procédures expérimentales atteint 18,5 %.

« En 2023, 2 046 754 individus ont ainsi été soumis à des expériences. »

L’article confond à plusieurs reprises les utilisations (2 046 754) et les animaux utilisés (2 030 513). Cette distinction est essentielle, car certains animaux peuvent être réutilisés – une pratique encadrée par la Directive européenne 2010/63/EU et validée par un vétérinaire.

Soulignons, comme nous l’Ă©voquions plus haut, qu’une partie des animaux concernĂ©s n’entrent pas dans les procĂ©dures expĂ©rimentales puisque uniquement dĂ©diĂ©s Ă  l’Ă©levage.

« Explosion du nombre d’animaux pour les lignées génétiquement modifiées
Un chiffre s’impose Ă  l’attention : celui du maintien des lignĂ©es gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©es, qui a plus que doublĂ© en un an […].
Cette hausse spectaculaire montre non seulement l’ampleur de cette pratique, mais aussi la lente prise en compte de la réalité dans les données officielles. »

One Voice évoque une « explosion » des chiffres liés aux lignées génétiquement modifiées. Il s’agit en réalité d’un effet de la nouvelle obligation européenne de déclaration, appliquée en France à partir de 2022. Cette transparence est un progrès dans la comptabilisation, pas une hausse réelle des pratiques.

« Cette augmentation découle de l’application d’un nouveau guide européen imposant la déclaration de pratiques auparavant non comptabilisées dans
notre pays (différence notable avec nos voisins que nous avions déjà
dĂ©noncĂ©e) […]. PrĂ©vue depuis 2021, la mise en Ĺ“uvre française a Ă©tĂ© tardive. »

Le guide europĂ©en citĂ© a Ă©tĂ© publiĂ© courant 2022 et le ministère l’a pris en compte dès sa publication, comme le montre la progression des statistiques de la catĂ©gorie Maintien des lignĂ©es gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©e : 102 553 animaux en 2021, 278 199 animaux en 2022 et 539 351 animaux en 2023.

« Cette correction statistique révèle une réalité ignorée pendant des années : des centaines de milliers d’animaux subissaient ces pratiques dans l’ombre. La France accuse un lourd retard sur ce point, car la «décision d’exécution» de la Commission européenne, qui impose la déclaration, remonte à 2020 et aurait dû être mise en œuvre dès 2021. »

La dĂ©cision d’exĂ©cution date bien de 2020 mais les prĂ©cisions sur les animaux gĂ©nĂ©tiquement altĂ©rĂ©s sont issues du guide sorti en 2022.

« Les niveaux de souffrance [sont] la plupart du temps sous-évalués. »

Les dĂ©finitions de niveaux de gravitĂ© sont issues de l’annexe VIII de la Directive 2010/63/EU. La sous-Ă©valuation est une affirmation non dĂ©montrĂ©e basĂ©e sur la perception de l’association et non sur les règles europĂ©ennes de classification.

« Le nombre de chiens utilisés est passé de 3 961 à 4 107 en 2023. »

Le nombre d’utilisations de chiens a bien augmentĂ© (ainsi que le nombre d’animaux). Lorsque l’on regarde en dĂ©tails :

  • Le nombre d’utilisations pour rĂ©pondre Ă  la rĂ©glementation (Ă©tudes de sĂ©curitĂ©) a diminuĂ© : il est passĂ© de 2 925 en 2022 Ă  2 555 en 2023.

  • Le nombre d’utilisations en recherche translationnelle a augmentĂ© puisqu’il est passĂ© de 722 en 2022 Ă  1 237 en 2023. Une grande partie de cette augmentation est due Ă  la recherche sur la nutrition animale (+274 utilisations) et sur les maladies animales (+112).

« Nos enquêtes sur les élevages français, notamment à Mézilles (Yonne) et Gannat (Allier), révèlent des conditions de vie indignes, même sur le territoire national. »

Ces enquĂŞtes ont fait l’objet d’un fact-checking publiĂ© en octobre 2023.


« 2 555 chiens ont été utilisés dans des tests de toxicité ou la production de médicaments. »

Il y a encore confusion entre nombre d’utilisations et nombre d’animaux utilisĂ©s puisque ce sont 2 555 utilisations pour des tests de toxicitĂ©, soit 1 750 chiens.

« Ces tests sont extrêmement douloureux et désuets, d’autant que des méthodes alternatives sont reconnues depuis des années (et que le
Conseil de l’Europe soutient l’arrêt du test de pyrogénicité).
Le Monocyte Activation Test (MAT) permet par exemple de mesurer la réaction inflammatoire via des cellules humaines en culture, sans recours animal. Validée par l’EMA depuis 2010, cette méthode reste sous-utilisée. »

Rappel : La Pharmacopée Européenne est la référence officielle en matière de qualité des médicaments dans les pays signataires de la Convention. Elle fixe des normes juridiques et scientifiques concernant la composition, les essais et les matières premières. Ces normes sont obligatoires pour tout producteur souhaitant commercialiser un médicament ou une substance pharmaceutique dans ces États.

Le test de pyrogénicité (RPT) en sera retiré en partir de 2026, ce qui n’impacte donc pas encore les chiffres 2023.

 

« En apparence, un progrès : les procédures classées sévères passent de 244 710 en 2022 à 191 046 en 2023, soit 9 % du total.
Mais en combinant les procédures modérées et sévères, on dépasse toujours le million d’animaux concernés (1 006 458).
Le classement « modéré » semble devenir un fourre-tout, risquant de masquer la gravité réelle de certaines pratiques. »

Les bases de calcul de la gravitĂ© des procĂ©dures sont dĂ©finies dans la Directive 2010/63/EU et n’ont pas changĂ©. Aucune preuve ne montre une sous-estimation systĂ©matique ou une manipulation des niveaux dĂ©clarĂ©s.

« One Voice continue de demander les résumés non techniques des projets
validés, pour permettre une vérification indépendante et transparente. »

Les résumés non techniques des projets autorisés sont librement accessibles sur la base Allures de la Commission européenne.


Les chiffres 2023 montrent des évolutions significatives dans la comptabilisation des animaux, notamment par l’intégration de nouvelles catégories. Si certaines préoccupations de One Voice relèvent d’une vigilance légitime, plusieurs affirmations reposent sur des confusions méthodologiques.

La rigueur du débat nécessite une lecture précise des données, une connaissance des cadres réglementaires européens, et une volonté commune d’améliorer la transparence et la recherche de méthodes alternatives, dans le respect des exigences scientifiques et éthiques.


 

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