Un papier de recherche été publié le 12 juin 2025 dans la prestigieuse revue Nature Genetics – et celui-ci change beaucoup de choses dans la compréhension d’une maladie causant des milliers de morts par an : la shigellose. Mais comment ces chercheurs y sont-ils parvenus et en quoi ces recherches sont-elles synonymes de véritables révolutions ? Nous vous en disons plus.
Les animaux sont toujours les modèles les plus complets pour répondre à la grande majorité des questions que les chercheurs peuvent se poser dans le domaine de la biologie. Pourtant, il y a des cas minoritaires où ces modèles ne parviennent par à donner de réponses satisfaisantes à la communauté scientifique – ou bien dans un cas où le rapport « bénéfices pour la santé humaine » sur « impact sur les animaux » ne serait pas assez favorable. C’est le cas de l’étude de la bactérie Shigella flexneri, en cause dans 2/3 des cas de shigellose, une maladie touchant le système digestif, principalement chez les populations ayant un accès limité à l’hygiène et aux soins, comme dans certains pays d’Asie et d’Afrique. Les symptômes vont de la diarrhée sévère, souvent sanglante aux crampes abdominales, en passant par la fièvre et des vomissements. Chaque année, 200 000 personnes meurent de cette maladie.
Le problème avec cette maladie est qu’elle est spécifique à certains singes, dont l’Homme, et que les scientifiques ne sont pas entièrement parvenus à comprendre comment cette bactérie pouvait se transmettre. Dès lors, les petits animaux (rongeurs par exemple) auxquels les chercheurs ont généralement recours pour comprendre ce type de processus n’est pas possible. L’utilisation des primates non plus, pour des raisons économiques et éthiques (il en faudrait un nombre considérable).
Maria Letizia Di Martino, Mikael Sellin et leurs collègues ont donc fait le choix des organoïdes pour comprendre les bases génétiques de l’infection par cette bactérie. Pour ce faire, ils ont créé des organoïdes de colon et d’intestin. Mais ce n’est pas tout ! Afin d’identifier les gènes participant à l’infection, les scientifiques ont modifié au hasard le génome de la bactérie et ont observé si cette dernière parvenait, ou non, à infecter les organoïdes humains. Résultats ? Les chercheurs ont découvert 105 gènes chromosomiques et 38 gènes plasmidiques (ADN supplémentaire non-vital chez les bactéries) impliqués dans l’infection de l’intestin humain.

Mettre au clair les gènes impliqués dans l’infection par cette bactérie représente, à l’avenir, une chance pour développer de nouveaux traitements. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que ces organoïdes n’ont ni nerfs, ni cellules ou vaisseaux sanguins, et que la durée courte de l’infection dans l’expérience limite l’observation des effets liés à l’échappement du système immunitaire ou à la capacité de la bactérie à empêcher la mort des cellules. Ce qui n’a pas été possible d’observer grâce aux modèles animaux l’a été grâce aux modèles cellulaires, mais de autres nombreuses découvertes liées à cette maladie l’ont été grâce aux animaux : les modèles suivent un principe de complémentarité.
En savoir plus sur la shigellose
sur le site de l’Institut Pasteur