Les vaccins à ARN : une nouvelle technologie contre la COVID-19

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Au fil des années, les vaccins ont sauvé des millions de vies en prévenant l’apparition de maladies infectieuses telles que les oreillons, la poliomyélite, la diphtérie, ou encore en éradiquant la variole.

Avec la pandémie de Covid-19 et la course contre la montre pour trouver des traitements efficaces, un nouveau type de vaccin a attiré l’attention : le vaccin à ARN contre l’infection au SRAS-CoV-2 développé sous 2 formes pharmaceutiques par les laboratoires Pfizer-BioNTech et Moderna.

Qu’est-ce qu’un vaccin ?

La pratique de la vaccination remonte à plusieurs siècles. Au 17ème siècle, des médecins chinois ont développé une pratique inhabituelle : frotter les plaies avec des extraits de variole bovine pour prodiguer aux patients une immunité contre la variole (également appelé variolisation).

Cent ans plus tard, le médecin anglais Edward Jenner a créé le premier véritable vaccin au monde. Ce dernier protégeait les humains contre la variole, en les infectant avec le virus bovin de la variole, beaucoup moins dangereux. Les personnes infectées avec la variole bovine s’immunisaient contre la variante humaine. Jenner a utilisé le mot latin vaccinia (qui désigne le virus de la variole bovine) pour nommer son nouveau traitement protecteur, le vaccin.

Les expériences vaccinales de Louis Pasteur au XIXe siècle ont ensuite permis de développer les premiers vaccins contre le choléra chez le poulet, contre l’anthrax chez les ruminants et contre la rage chez l’humain, testé initialement chez le chien.

Les vaccins sont une arme extraordinaire contre les infections. Ils programment le système immunitaire à reconnaître et à combattre spécifiquement les bactéries, parasites ou virus. Les vaccins contiennent des agents pathogènes affaiblis, inactivés ou des fragments qui stimulent le système immunitaire. Ce dernier va apprendre à reconnaitre l’agent pathogène comme hostile, à y faire face, et à produire des anticorps durablement pour prévenir les infections ultérieures. Suite à la vaccination, si la bactérie ou le virus infecte le patient naturellement, le système immunitaire est programmé pour réagir immédiatement et empêcher ainsi l’infection.

Qu’est-ce qu’un vaccin à ARN ?

Contrairement aux vaccins utilisés jusqu’à présent, les vaccins à ARN ne contiennent pas d’agents pathogènes entiers ni même de fragments. Ils sont constitués d’une séquence génétique, un ARN messager (ARNm), qui contient l’information pour produire une protéine du virus. L’ARNm est enveloppé dans une couche ou capsule lipidique, pour le protéger. Lorsqu’il est injecté, l’ARNm pénètre dans les cellules de l’hôte. Les cellules « lisent » le message codé dans l’ARNm et produisent des protéines à base de ces informations. Dans le cas présent du vaccin contre le SARS CoV-2, elles fabriquent une protéine de coronavirus qui agit comme tous les autres vaccins et stimule le système immunitaire.

Des adjuvants sont parfois ajoutés aux vaccins pour augmenter leur efficacité et peuvent malheureusement induire certains effets secondaires. Les vaccins à ARN ont l’avantage d’induire une forte réponse immunitaire sans nécessiter l’ajout d’adjuvant. Si l’ARN est chimiquement similaire à l’ADN, il est aussi beaucoup plus fragile et ne modifie pas l’ADN du patient injecté. Il ne reste présent que très peu de temps dans la cellule car il est recyclé rapidement pour disparaitre de l’organisme. 

La fabrication des vaccins à ARN est également plus aisée et plus rapide que celle des vaccins conventionnels. De plus, ce procédé de fabrication est adapté aux contraintes des programmes vaccinaux dans un contexte de pandémie (production rapide en quantités importantes). La production des vaccins conventionnels nécessite généralement des étapes coûteuses et chronophages car des virus spécifiques doivent être notamment cultivés en laboratoire. Avec le vaccin à ARN, l’ARNm peut être produit et conditionné en très peu de temps. Et si le virus évolue, le vaccin peut être facilement adapté à la mutation en changeant simplement la séquence de l’ARNm injecté.

Par exemple, Moderna a réussi à créer un vaccin en seulement quatre jours après avoir obtenu la séquence génomique du SRAS-CoV-2. En collaboration avec les « National Institutes of Health » (NIH) des États-Unis, l’entreprise a ensuite conduit des essais de preuve-de-concept chez la souris avant de lancer les premiers tests chez l’homme, en l’espace de deux mois seulement.

Comment fonctionnent les vaccins à ARN messager ? © AFP

Comment les vaccins à ARN ont-ils été développés ?

L’idée de la vaccination à base d’ARN remonte aux années 1990. À l’époque, une équipe de recherche française a utilisé de l’ARN codant pour un virus grippal chez la souris. Une réponse immunitaire a bien été observée mais la capsule lipidique utilisée à l’époque s’avère trop toxique pour être utilisée chez l’homme. Il faudra une décennie entière pour que les industries biotechnologiques développent des capsides lipidiques plus sûres utilisées aujourd’hui.

Le premier vaccin à ARN tel que nous le connaissons aujourd’hui a été développé en 2012 lors de la conception d’un vaccin contre un virus respiratoire efficace chez le rat. Environ un an plus tard, une nouvelle souche de grippe aviaire fait son apparition. Les scientifiques du centre de recherche américain Novartis à Cambridge, dans le Massachusetts, décident alors de mettre à l’épreuve leur nouveau vaccin. En moins d’une semaine, ils synthétisent l’ARN du vaccin, l’assemblent et le testent in vitro sur des cellules. Une semaine plus tard, après des résultats positifs, ils passent aux tests in vivo chez la souris. L’équipe de Novartis a donc réalisé en un mois, ce qui prend généralement un an ou plus. A l’époque, les procédés de fabrication du vaccin à ARN pour un usage clinique sont limités et malheureusement le développement du vaccin fut interrompu en 2015, avant les tests cliniques chez l’homme ; Novartis vend alors son activité vaccinale.

La technologie des vaccins à ARN est alors reprise par deux entreprises :  l’une s’appelle CureVac à Tübingen, en Allemagne, et teste un vaccin ARN contre la rage chez l’homme en 2013. L’autre est la désormais célèbre Moderna, qui développe un vaccin à ARN contre une nouvelle souche de grippe aviaire avec des tests cliniques à la fin de 2015. Le vaccin en question active des réponses immunitaires suffisamment fortes. Moderna décide de poursuivre ses essais de vaccins à ARN contre un cytomégalovirus (cause fréquente de malformations congénitales), contre deux virus transmis par les moustiques (Chikungunya et Zika) et contre trois autres maladies virales respiratoires de l’enfant. GlaxoSmithKline, qui avait acquis la plupart des brevets vaccinaux de Novartis, commence également à tester un vaccin ARN contre la rage en 2019.

Début 2020, une douzaine de vaccins à ARN candidats ont donc déjà été testés chez l’homme. Quatre ont été abandonnés après les premiers tests. Le vaccin à ARN contre le cytomégalovirus est le seul à avoir passé avec succès les tests d’efficacité et d’innocuité chez l’homme.

Avec l’urgence de la pandémie Covid-19 et l’accélération d’avancées technologiques, l’efficacité des vaccins à ARN contre le SARS-Cov-2 a été démontrée. Ces vaccins nouvelle génération sont maintenant en première ligne dans la lutte contre la COVID-19 après avoir obtenu l’approbation réglementaire des autorités de santé de plusieurs pays dans le monde, dont l’Europe.

Quel avenir pour les vaccins à ARN ?

L’ère des vaccins à ARN a commencé. Si certaines entreprises restent sceptiques face à l’engouement médiatique pour cette technologie dans le contexte de la pandémie, la plupart se lancent dans l’aventure. « Toutes les principales entreprises pharmaceutiques sont, d’une manière ou d’une autre, en train de tester la technologie », déclare Jeffrey Ulmer, ancien responsable de la recherche et du développement préclinique pour la division vaccins de GlaxoSmithKline, et auparavant chez Novartis.

Leur utilisation n’est pas seulement dédiée à la prévention contre la Covid-19. Le développement de vaccins à ARN pourrait aussi cibler des maladies infectieuses endémiques comme la tuberculose, le VIH ou le paludisme. Par exemple, une équipe de recherche de la Perelman School of Medicine de l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie met à profit la facilité de fabrication et de modification des vaccins à ARN pour tester toute une panoplie de vaccins contre le virus de la dengue. La stratégie de Richner et son équipe de l’Université de Pennsylvanie cible des modifications de séquence du gène codant pour la protéine de surface utilisée par le virus pour infecter les cellules humaines. En répétant le processus les chercheurs ont ainsi pu tester une quinzaine de vaccins ARN chez la souris.

Les avantages de ces vaccins ne se limitent pas à la prévention des maladies infectieuses. Un vaccin à ARN a déjà fait ses preuves contre une maladie auto-immune, la sclérose en plaques. Des essais d’efficacité de la vaccination chez la souris ont démontré un retardement de l’apparition de la maladie et une réduction de la gravité des symptômes.

La technologie du vaccin à ARN pourrait également améliorer les vaccins actuels. Par exemple, le vaccin à ARN pourrait cibler plusieurs antigènes, ce qui serait particulièrement utile contre des agents pathogènes très variables comme les virus de la grippe. Norbert Pardi, un spécialiste des vaccins, a réussi à fabriquer un vaccin contre la grippe avec quatre brins d’ARN, chacun codant pour une protéine grippale différente. L’efficacité de ce vaccin multiplex contre l’infection d’un sous-type de virus grippal a été démontrée par des essais chez la souris.

Les bénéfices de cette technologie vaccinale à base d’ARN dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 sont incontestables. Nous ne sommes qu’au début de ce qui semble être l’une des découvertes majeures du siècle en matière de lutte contre les maladies immunitaires et infectieuses. Nous pouvons désormais espérer qu’avec l’avènement de cette technologie révolutionnaire d’autres innovations thérapeutiques pourront émerger en santé humaine et animale.

Article original écrit et traduit par Mia Rozenbaum, publié en janvier 2021 par Understanding Animal Research

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