Fondation Descartes : étude “Information et santé”

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La Fondation Descartes a publié une étude “Information et santé” conçue et réalisée par Laurent Cordonnier pour analyser les croyances et comportements d’information des Français liés à leur niveau de connaissances en santé, au refus vaccinal et au renoncement médical. Les résultats indiquent que s’informer fréquemment via les réseaux sociaux diminue les connaissances en santé, tandis qu’une pensée analytique est associée à une meilleure compréhension médicale. La confiance dans les thérapies alternatives et les croyances ésotériques est liée à des connaissances médicales moins précises. Les comportements à risque sont associés à une moindre confiance en la science et à des expériences médicales négatives. La désinformation en ligne doit être combattue, et la montée de l’ésotérisme et des thérapies alternatives nécessite une surveillance accrue, surtout en période de pénurie de soins médicaux.

Voici le résumé complet de l’étude :

Objectif et méthode

Cette étude a pour but d’identifier les croyances et les comportements d’information des Français qui sont liés à leur niveau de connaissances en santé, ainsi qu’au refus vaccinal et au renoncement à un traitement médical. Pour ce faire, après avoir auditionné des experts médicaux et des acteurs de l’information en santé afin d’orienter au mieux notre étude, nous avons interrogé 4 000 Français constituant un panel représentatif de la population métropolitaine majeure.

Nous avons évalué les connaissances objectives des membres du panel dans quatre domaines de santé – nutrition, cancers, vaccination et Covid-19 – au moyen d’un questionnaire spécialement élaboré pour cette étude et revu par des membres de l’Académie nationale de médecine. Dans ce questionnaire, les participants étaient invités à indiquer leur degré d’accord ou de désaccord avec une série d’affirmations soit conformes, soit non conformes à la connaissance médicale actuelle. La plupart des affirmations non conformes à l’état de la connaissance médicale que nous leur avons soumises correspondent à de fausses informations en santé qui circulent sur les réseaux sociaux ou sur YouTube, notamment, mais dont certaines sont aussi parfois relayées par des médias grand public.

Nous avons par ailleurs interrogé les participants à notre étude sur leur éventuelle adoption de trois comportements de santé à risque, à savoir : le fait d’avoir déjà renoncé à un traitement médical en faveur d’une thérapie alternative (ce qui est le cas pour 11,7 % du panel), le fait d’avoir déjà refusé un vaccin pour soi-même et/ou pour ses enfants, hors vaccin Covid-19 (20,9 % du panel) et le fait d’avoir refusé le vaccin contre le Covid-19 (13,7 % du panel).

Afin d’explorer les caractéristiques des participants associées à leurs connaissances et comportements de santé, nous leur avons soumis une série de questions et de mesures portant sur leur comportement informationnel, sur des facteurs cognitifs associés à une plus ou moins forte perméabilité aux fausses informations, sur leur rapport à la science, aux thérapies alternatives, aux croyances de type New Age1 et paranormales ainsi que sur leur accès à la médecine et leurs éventuelles expériences médicales négatives.

Résultats clés

Nos analyses statistiques font apparaître que les répondants qui s’informent fréquemment sur l’actualité médicale par le biais des réseaux sociaux, de YouTube et de groupes de messageries instantanées (du type WhatsApp) présentent en moyenne un plus faible niveau de connaissances en santé que les autres. Il en va de même pour ceux qui font davantage confiance à ces canaux d’information. Au contraire, le fait de s’informer régulièrement sur les sujets médicaux via son médecin ou les médias généralistes grand public est associé à de meilleures connaissances en santé.

On observe encore que les personnes faisant preuve d’un style de pensée plus analytique qu’intuitif (celles qui, plutôt que de se fier à leur intuition, ont tendance à s’engager dans un processus réflexif avant de croire ou non à une information) possèdent globalement de meilleures connaissances en santé – un résultat cohérent avec les expériences de psychologie cognitive qui montrent qu’un esprit analytique confère une certaine protection face aux infox (« fake news »)2. Une sensibilité marquée aux croyances complotistes est en revanche associée à un moins bon niveau de connaissances en santé, certainement en raison du fait que de nombreuses désinformations médicales, sur la vaccination ou le Covid-19 notamment, prennent la forme de théories du complot.

Parallèlement à ces facteurs informationnels et cognitifs, nos analyses révèlent qu’en moyenne, plus les individus sont sensibles aux thérapies alternatives ainsi qu’aux croyances paranormales et New Age, plus leur niveau de connaissances en santé est faible. Ces sensibilités aux thérapies alternatives et à l’ésotérisme sont corrélées entre elles et composent visiblement un terreau de croyances favorable à l’acceptation et au développement de conceptions médicales erronées. À l’inverse, plus les participants ont confiance en la science et manifestent une bonne compréhension de la méthode scientifique (telle qu’évaluée au moyen d’un test dédié), meilleures sont leurs connaissances en santé.

Soulignons que le lien entre chacune des caractéristiques des participants rapportées ci-dessus et leur niveau de connaissances en santé vaut toutes choses égales par ailleurs. Cela signifie que ces liens demeurent significatifs lorsque l’on contrôle les effets du profil sociodémographique et politique des répondants. Par exemple, une utilisation fréquente des réseaux sociaux, de YouTube ou des messageries instantanées pour s’informer sur l’actualité médicale est associée à de moins bonnes connaissances en santé indépendamment des effets de l’âge, du niveau de diplôme, du statut professionnel ou encore de l’orientation politique des participants.

Concernant les trois comportements de santé à risque considérés dans cette étude (renoncement à un traitement médical, refus vaccinal hors vaccin Covid-19 et refus du vaccin Covid-19), on observe que l’adoption de chacun d’eux est associée à de moins bonnes connaissances en santé, tout comme à un usage plus fréquent des réseaux sociaux, de YouTube et des messageries instantanées pour s’informer sur l’actualité médicale ainsi qu’à une sensibilité plus marquée au complotisme, aux thérapies alternatives et aux croyances paranormales et New Age.

Une autre caractéristique commune aux participants ayant adopté l’un de ces comportements de santé à risque est leur niveau de confiance en moyenne plus faible que celui du reste de la population en la science, à l’égard des communautés médicale et scientifique ainsi qu’à l’égard des institutions, du gouvernement et, dans une moindre mesure, des médias. En revanche, leur confiance envers les réseaux sociaux est, elle, significativement plus élevée. Ces participants ont encore en commun d’avoir dans l’ensemble une moins bonne image de la médecine conventionnelle que les autres.

Finalement, le renoncement à un traitement médical en faveur d’une thérapie alternative et le refus vaccinal sont des comportements plus rarement adoptés par les participants disposant d’un médecin traitant – par exemple, ceux qui disposent d’un médecin traitant sont 12 % à avoir refusé le vaccin contre le Covid-19, contre 30% de ceux qui n’en disposent pas. Ces comportements de santé à risque sont en revanche davantage adoptés par les participants qui affirment avoir vécu une très mauvaise expérience médicale.

Conclusions

Dans l’ensemble, les résultats de notre étude mettent en évidence que passer par les réseaux sociaux, YouTube ou des groupes de messageries instantanées pour s’informer sur des sujets médicaux pourrait non seulement avoir un effet négatif sur les connaissances en santé des Français, mais aussi augmenter le risque de refus vaccinal ou de renoncement à un traitement prescrit. Cela est certainement dû au fait que la probabilité d’y rencontrer des informations de santé fausses, trompeuses ou douteuses est plus élevée qu’en passant par d’autres canaux d’information, tels que les médias généralistes grand public. De même, une sensibilité marquée aux thérapies alternatives ainsi qu’à l’ésotérisme favorise visiblement tant l’adoption de conceptions sur la santé en porte-à-faux avec le savoir scientifique que le refus vaccinal ou le renoncement à un traitement médical.

Un effort particulier devrait donc être entrepris pour lutter contre la désinformation médicale sur les réseaux sociaux et les sites de vidéos en ligne, mais également pour y encourager la diffusion de contenus de santé de qualité, conformes à la connaissance scientifique. Parallèlement, l’essor en France de l’ésotérisme3 et des thérapies alternatives4, surtout dans un contexte de pénurie de l’offre de soins médicaux, devrait faire l’objet d’une vigilance renforcée.

Source : Fondation Descartes

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  1. Le New Age désigne un ensemble syncrétique et souvent très individuel de croyances, de pratiques et de traditions ésotériques. Ces croyances gravitent généralement autour de l’idée qu’il existerait des « énergies » mentales, psychiques ou spirituelles susceptibles d’interagir avec la matière et le corps et qu’il serait ainsi possible d’entrer en communication ou en « connexion » avec l’univers ou la Terre, souvent vus comme des « touts vivants » auxquels l’esprit de l’individu participerait.
  2. Pour une revue de la littérature récente sur les facteurs psychologiques liés à la sensibilité aux fausses informations, voir : Ecker et al. (2022). The psychological drivers of misinformation belief and its resistance to correction. Nature Reviews Psychology, 1(1), 13-29, https://www.nature.com/articles/s44159-021-00006-y
  3. Benz, S. (2023). Esotérisme, une inquiétante passion française : des chiffres qui donnent le tournis. L’Express, https://www.lexpress.fr/sciences-sante/esoterisme-une-inquietante-passion-francaise-des-chiffres-qui-donnent-le-tournis-DS6LKHUOCVC6LJNNA43F5RGUDE/
  4. Conseil National de l’Ordre des médecins (2023). Les pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives. État des lieux et propositions d’actions, https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/rapport/4xh6th/cnom_psnc.pdf
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