🔍 « L’expĂ©rimentation animale et les chiens » : fact-checking

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Un rapport d’Ă©tude « L’expĂ©rimentation animale et les chiens » a Ă©té publiĂ© fin aoĂ»t par One Voice. Ce rapport, prĂ©sentĂ© comme une analyse scientifique rigoureuse, est en rĂ©alitĂ© une Ă©numĂ©ration dĂ©sordonnĂ©e de contre-vĂ©ritĂ©s et remises en question de la science, jouant avant tout sur l’Ă©motionnel. Nous aurions voulu revenir sur chacune d’entre elles mais selon la loi de Brandolini (ou le principe d’asymĂ©trie des baratins), nous avons dĂ» nous contenter de n’en sĂ©lectionner que quelques unes.

Nous remercions les scientifiques, vĂ©tĂ©rinaires et chercheurs, qui nous ont aidĂ© Ă  revenir sur le travail « d’expertise scientifique » de One Voice.

Degrés de gravité

« La France se démarque en Europe par une proportion relativement élevée de procédures trÚs douloureuses ou stressantes » chez les chiens. (p4)

C’est en contradiction avec les chiffres prĂ©sentĂ©s dans le graphique proposĂ© dans le rapport qui montrent une immense majoritĂ© de procĂ©dures lĂ©gĂšres/modĂ©rĂ©es et souvent comparables Ă  ce qui est rĂ©alisĂ© en routine dans les cliniques vĂ©tĂ©rinaires (prĂ©lĂšvements, administration de mĂ©dicaments, anesthĂ©sie
.) ; les procĂ©dures sĂ©vĂšres ne reprĂ©sentant que 4,17% de toutes les procĂ©dures.

« « LĂ©ger » correspond par exemple Ă  l’injection d’un vaccin suivie de mesures biologiques et d’observations cliniques, puis de la mise Ă  mort des animaux et du prĂ©lĂšvement de leurs organes, pour Ă©valuer l’innocuitĂ© du vaccin. » (p4)

Dans la catĂ©gorie de procĂ©dures lĂ©gĂšres, la mise Ă  mort des animaux est exceptionnelle. C’est bien souvent une nĂ©cessitĂ© expĂ©rimentale pour des analyses post-mortem pour dĂ©tecter les Ă©ventuels effets dĂ©lĂ©tĂšres d’un traitement sur les organes ou l’organisation cellulaire.

Une grande partie des chiens est ensuite rĂ©utilisĂ©e, aprĂšs avis vĂ©tĂ©rinaire, dans d’autres procĂ©dures lĂ©gĂšres Ă©quivalentes ce qui permet de rĂ©duire le nombre d’animaux utilisĂ©s. En 2022, le pourcentage de chiens rĂ©utilisĂ©s dans une autre procĂ©dure expĂ©rimentale Ă©tait de 40,5%.

« « SĂ©vĂšre » correspond par exemple Ă  l’isolement continu pendant sept ans dans un bĂątiment clos et confinĂ©, assorti d’un prĂ©lĂšvement de 200 ml de sang toutes les deux semaines pour la production d’un vaccin vĂ©tĂ©rinaire. » (p4)

L’exemple citĂ© n’est pas reprĂ©sentatif du processus de production d’un vaccin. Toutefois, cet exemple prĂ©cis permet Ă  One Voice de mettre en avant des chiffres spectaculaires.

Ce projet est au bĂ©nĂ©fice des chiens puisqu’il permettra la production d’un vaccin vĂ©tĂ©rinaire luttant contre une maladie parasitaire chez les animaux pouvant ĂȘtre sĂ©vĂšre voire mortelle.

Le volume des prĂ©lĂšvements respecte les recommandations en cours pour des chiens de grande taille. Le projet prĂ©cise Ă©galement : « Le prĂ©lĂšvement est rĂ©alisĂ© par des personnes formĂ©es et les techniques utilisĂ©es visent Ă  limiter au maximum la douleur, la souffrance et le stress des animaux. Un suivi attentif des animaux est rĂ©alisĂ© afin de dĂ©tecter tout signe de douleur ou d’inconfort au cours du prĂ©lĂšvement. » Le fait de prĂ©lever tous les 15 jours les mĂȘmes animaux permet de limiter le nombre d’animaux concernĂ©s pour avoir un rĂ©sultat statistiquement fiable (Principe des 3R : Remplacer, RĂ©duire, Raffiner). 

A aucun moment, le projet ne mentionne un isolement des animaux. Les chiens ne sont pas hĂ©bergĂ©s seuls mais dans un box avec leurs congĂ©nĂšres et des enrichissements. La rĂ©glementation stipule que l’isolement d’un chien ne peut excĂ©der 4h et toute exemption doit ĂȘtre motivĂ©e et validĂ©e par un comitĂ© d’Ă©thique et les autoritĂ©s compĂ©tentes. Ce qui n’est pas le cas dans cet exemple.

Notons enfin que dans cette Ă©tude en particulier, il est prĂ©vu de proposer 30 chiens Ă  l’adoption en fin de procĂ©dure.

Tests de toxicité

Les tests de toxicitĂ© « consistent souvent Ă  empoisonner les animaux avec des quantitĂ©s irrĂ©alistes d’un produit pour dĂ©terminer quelle dose ou quel mode d’administration risquent de leur faire du mal, voire de les tuer. » (p5)

Avant d’initier des Ă©tudes cliniques, les tests de toxicitĂ© sont requis par les autoritĂ©s de santĂ© conformĂ©ment Ă  la rĂ©glementation, que ce soit pour les mĂ©dicaments destinĂ©s aux humains ou aux animaux.

Afin d’accroĂźtre leur fiabilitĂ©, les Ă©tudes sur les candidats pour un mĂ©dicament humain sont gĂ©nĂ©ralement rĂ©alisĂ©es sur deux espĂšces animales, l’une rongeur, l’autre non-rongeur. Le choix de l’espĂšce non-rongeur se fait selon des critĂšres de sensibilitĂ© d’espĂšce par rapport Ă  la nature du principe actif Ă©valuĂ© (par exemple une molĂ©cule chimique ou un produit biologique). Ce choix se fait aussi selon des critĂšres prenant en compte la composante 3R. 

Ces Ă©tudes de sĂ©curitĂ© du mĂ©dicament utilisent des doses encadrant celles qui sont identifiĂ©es comme doses de traitement. Dans certains protocoles, trois groupes avec trois doses peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour fiabiliser les rĂ©sultats d’études. Ces doses ne sont donc pas des doses d’empoisonnement mais des doses thĂ©rapeutiques. L’objectif est de rechercher tout signe clinique, toute lĂ©sion ou toute modification physiologique liĂ©s aux doses identifiĂ©es de traitement, ceci pendant une durĂ©e d’étude correspondant Ă  la durĂ©e maximum attendue de traitement des patients. Quand trois doses sont utilisĂ©es, elles sont donc dĂ©finies, y compris la plus Ă©levĂ©e, pour Ă©viter tout « empoisonnement ». De plus, l’utilisation de points limites prĂ©dĂ©finis dans le protocole d’étude permet de dĂ©tecter rapidement tout Ă©ventuel surdosage. Dans ce cas, le protocole dĂ©finit aussi comment l’étude est poursuivie, par exemple en modifiant ou en suspendant l’administration de la forte dose et en Ă©tudiant le potentiel de rĂ©cupĂ©ration de l’organisme, ce qui constitue une autre information cruciale.

Dans le domaine du mĂ©dicament vĂ©tĂ©rinaire, d’autres Ă©tudes prĂ©cliniques rĂšglementaires sont Ă©galement nĂ©cessaires pour Ă©valuer le mĂ©dicament d’un point de vue des risques liĂ©s Ă  l’exposition humaine. Cela s’applique par exemple aux anti-parasitaires Ă  application cutanĂ©e et, pour les espĂšces agricoles, aux rĂ©sidus mĂ©dicamenteux aprĂšs traitement, prĂ©sents dans le lait, les Ɠufs ou la viande. Enfin, il est important de rappeler que les Ă©tudes rĂ©glementaires cliniques vĂ©tĂ©rinaires (par opposition aux Ă©tudes prĂ©cliniques) ne sont pas soumises Ă  la rĂ©glementation de protection des animaux utilisĂ©s Ă  des fins scientifiques, mais Ă  une autre rĂ©glementation.

Une diffĂ©rence importante est que la rĂ©glementation de protection des animaux utilisĂ©s des fins scientifiques interdit l’utilisation de rongeurs, carnivores, primates et autres espĂšces (listĂ©es dans la Directive 2010/63/UE – Annexe 1) ne provenant pas d’élevages inspectĂ©s et dĂ©diĂ©s, interdisant tout recours Ă  des animaux appartenant Ă   des particuliers en recherche vĂ©tĂ©rinaire prĂ©clinique.

Élevages

Les animaux « SPF » (Specific Pathogen Free) sont « élevĂ©s dans des conditions stĂ©riles et non vaccinĂ©s afin d’éviter qu’ils ne dĂ©veloppent des anticorps spĂ©cifiques. » (p6)

Les animaux SPF ne sont en effet pas vaccinĂ©s contre l’ensemble des maladies contagieuses classiques car ils sont essentiellement utilisĂ©s dans des Ă©tudes vaccinales. Ils sont Ă©levĂ©s dans des conditions environnementales contrĂŽlĂ©es afin de garantir un environnement exempt d’un certain nombre d’agents pathogĂšnes indĂ©sirables. Leurs conditions d’hĂ©bergement permettent d’Ă©viter les infections.

Notons que les autres chiens utilisés en recherche sont vaccinés contre les maladies contagieuses comme les chiens de compagnie.

« Pour les laboratoires, plus le nombre de chiens augmente, plus les cages sont grandes. Mais les Ă©leveurs, qui dĂ©tiennent beaucoup d’animaux, sont soumis Ă  des normes encore moins favorables Ă  ces derniers. Pour vingt beagles ĂągĂ©s de six mois (7-8 kilos), ces entreprises peuvent avoir un « compartiment » d’une taille totale de 20 mÂČ, dont au maximum 10 mÂČ Ă  l’extĂ©rieur. Pour faciliter le nettoyage et Ă©viter les contaminations, ces chiens vivent en permanence sur du bĂ©ton » (p10)

Les normes sont identiques dans les laboratoires et dans les Ă©levages.

Selon la rĂ©glementation en vigueur, lorsqu’il existe un espace extĂ©rieur, la partie intĂ©rieure doit reprĂ©senter au moins 50 % de la surface minimale rĂ©glementaire. Elle n’impose aucune limite Ă  la taille maximale de l’espace extĂ©rieur. En reprenant l’exemple donnĂ© (20 beagles de 7 Ă  8 kg avec un accĂšs Ă  l’extĂ©rieur), les seules exigences sont une surface minimale d’hĂ©bergement de 20m2 dont au moins 10m2 en intĂ©rieur. La surface extĂ©rieure peut bien Ă©videmment ĂȘtre plus grande.

L’environnement des chiens en Ă©levage et au laboratoire se doit d’ĂȘtre maitrisĂ© de maniĂšre Ă  Ă©viter :

  • des maladies qui occasionneraient du stress et de la souffrance et augmenteraient le nombre de chiens Ă©levĂ©s/utilisĂ©s ;
  • les biais dans les Ă©tudes, qui entraineraient une utilisation d’un nombre accru de chiens s’il fallait rĂ©pĂ©ter des Ă©tudes.

L’hĂ©bergement nĂ©cessite donc d’avoir accĂšs Ă  des locaux faciles Ă  entretenir.

Tableau présenté par One Voice (p10)

Ci-dessous le tableau tel qu’il a Ă©tĂ© publiĂ© dans la Directive 2010/63/UE : la premiĂšre colonne indiquant les dimensions minimales a Ă©tĂ© supprimĂ©e dans le rapport de One Voice pour faire croire que la dimension minimale d’un espace est de 0,5m2 alors qu’elle est de 4m2.

Tableau issu de la Directive 2010/63/UE
Tableau issu de la Directive 2010/63/UE

RĂ©glementation

« Avant de dĂ©marrer un projet expĂ©rimental, les Ă©tablissements doivent obtenir un avis favorable de leur comitĂ© d’éthique et une autorisation du ministĂšre de la Recherche. Mais les dysfonctionnements sont lĂ©gion et les comitĂ©s, juges et partie, n’ont jamais refusĂ© un projet en France. » (p12)

Une information capitale a Ă©tĂ© occultĂ©e du rapport : 92,1% des projets acceptĂ©s l’ont Ă©tĂ© aprĂšs modifications liĂ©es Ă  l’Ă©valuation Ă©thique (selon le Bilan annuel national d’activitĂ© des comitĂ©s d’Ă©thique en expĂ©rimentation animale).

Le fonctionnement du systĂšme de revue Ă©thique repose sur de multiples Ă©changes entre l’auteur du projet et le comitĂ© d’éthique afin d’aboutir Ă  une version finale rĂ©pondant aux exigences Ă©thiques.

Les avis intermĂ©diaires non favorables ne sont pas publiĂ©s car l’avis favorable est le prĂ©alable indispensable Ă  la soumission Ă  l’autoritĂ© compĂ©tente.

Au final, seuls 7,9% des projets ont été acceptés sans modifications (en 2021).

 

« 108 comités actifs en France » (p12)

Il est Ă©tonnant que ce rapport qui pointe des problĂšmes de fonctionnement dans les comitĂ©s d’Ă©thique mono-institution omette citer l’avis du CNREEA publiĂ© en avril 2022 sur les conditions d’agrĂ©ment des comitĂ©s d’Ă©thique, Ă  savoir avoir 25 % de membres extĂ©rieurs et un seuil minimal de dossier Ă  examiner par an pour conserver son expertise. Ces recommandations ont bien Ă©tĂ© mises en oeuvre par le MinistĂšre en charge de la Recherche puisque les comitĂ©s ont commencĂ© Ă  se regrouper. Leur nombre est passĂ© de 108 en 2021 Ă  87 en 2022 (soit une baisse de prĂšs de 20%).

Cet avis du CNREEA est pourtant utilisĂ© un peu plus tard dans l’argumentaire du rapport.

Inspections

« D’aprĂšs la rĂ©glementation, au moins un tiers des Ă©tablissements doit ĂȘtre inspectĂ© chaque annĂ©e. […] Aucune prĂ©cision n’est donnĂ©e sur le nombre de ces Ă©tablissements qui utilisent des primates. Il est donc impossible pour le public de s’assurer du respect de la rĂ©glementation sur ce point. » (p14)

Dans un rapport dédié aux chiens, nous nous étonnons de cette référence aux primates.

« Les inspections « inopinĂ©es » sont souvent annoncĂ©es la veille, pour des raisons pratiques. Il ne s’agit donc pas d’inspections « sans avertissement prĂ©alable » (comme dans la rĂ©pression des fraudes, par exemple). » (p14)

Notons d’abord que cet avertissement prĂ©alable est loin d’ĂȘtre systĂ©matique. L’information prĂ©alable vise principalement Ă  s’assurer que les personnes ayant des responsabilitĂ©s (vĂ©tĂ©rinaire dĂ©signĂ©, responsable SBEA, …) seront bien prĂ©sentes et disponibles pour rĂ©pondre aux questions. En une nuit, il est impossible pour un Ă©tablissement de se mettre en conformitĂ© s’il ne l’est pas dĂ©jĂ .

D’autre part, est-il sĂ©rieux de comparer les visites des services de la rĂ©pression des fraudes dans des lieux ouverts au public (fast food, commerces
) avec l’inspection des laboratoires de recherche hĂ©bergeant des animaux et les contraintes liĂ©es (sĂ©curitĂ© sanitaire, suretĂ©…) ?

Nécessité

« En 2023, on peut pourtant se demander s’il est bien « nĂ©cessaire » de modifier gĂ©nĂ©tiquement des animaux « de rente » pour les rendre plus productifs dans un contexte oĂč les Ă©pidĂ©mies se multiplient dans les Ă©levages et oĂč les spĂ©cialistes du climat alertent sur l’urgence de la transition vers les protĂ©ines vĂ©gĂ©tales. De mĂȘme, on peut difficilement juger « nĂ©cessaire » d’étudier « les origines et fonctions Ă©volutives de la musicalitĂ© » en exposant des cailles Ă  de la musique dans des cages minuscules avant de les isoler dans des « arĂšnes de test » pour Ă©valuer leur comportement. » (p20)

Dans un rapport concernant “l’expĂ©rimentation animale et les chiens”, il est surprenant de ne trouver comme seuls “exemples de pratiques prĂ©tendument nĂ©cessaires”, des points concernant l’élevage, les protĂ©ines vĂ©gĂ©tales et la musicalitĂ© chez les cailles
*

« Dans les milieux de l’expĂ©rimentation animale, est jugĂ©e « nĂ©cessaire » toute utilisation d’animaux pour atteindre un but fixĂ© par un protocole expĂ©rimental qui ne peut pas ĂȘtre atteint par d’autres moyens. Mais les buts fixĂ©s sont tellement spĂ©cifiques que la donne est faussĂ©e.« (p20)

La dĂ©marche scientifique repose sur la formulation d’hypothĂšses, qui sont soit confirmĂ©es, soit infirmĂ©es par des expĂ©rimentations. Dans ce cadre, il est indispensable de fixer des objectifs clairs et spĂ©cifiques, c’est le propre mĂȘme de la dĂ©marche scientifique, qu’elle ait recours Ă  des animaux ou pas. Avoir des objectifs larges et compter sur la chance pour rĂ©pondre Ă  une question ne relĂšve pas de la dĂ©marche scientifique.*

« Au fil de l’histoire, certaines dĂ©couvertes ont Ă©tĂ© faites en utilisant des animaux. Toutes ont fini par ĂȘtre dĂ©montrĂ©es Ă  nouveau, ou peuvent l’ĂȘtre aujourd’hui, par le recours Ă  de nouvelles mĂ©thodes expĂ©rimentales n’utilisant pas d’animaux, toute connaissance pouvant ĂȘtre Ă©tablie de diffĂ©rentes maniĂšres. »  (p22)

Cette affirmation pĂ©remptoire et outranciĂšre (qui englobe toutes les recherches) propose tout simplement de rĂ©Ă©crire l’histoire a posteriori.

C’est justement parce que des dĂ©couvertes ont Ă©tĂ© faites, dans un premier temps, Ă  l’aide d’animaux que les chercheurs ont souhaitĂ© mettre au point de nouvelles mĂ©thodes n’y recourant pas. Est-ce qu’aujourd’hui la rage serait Ă©radiquĂ©e si Pasteur n’avait pas, en premier lieu, eu recours Ă  des animaux ? Est-ce que les avancĂ©es thĂ©rapeutiques pour les personnes infectĂ©es par le VIH auraient pu voir le jour sans des modĂšles animaux ? Est-ce que des vaccins contre la COVID-19 auraient pu ĂȘtre mis au point avec seulement des mĂ©thodes sans animaux ?*

Ajoutons que la plupart des travaux rĂ©compensĂ©s par un prix Nobel de mĂ©decine sont le fruit de recherches impliquant les animaux. Si la corrĂ©lation entre utilisation des animaux et Prix Nobel n’implique Ă©videmment pas un lien de causalitĂ©, elle constitue un indicateur en l’absence d’alternatives ayant dĂ©montrĂ© la mĂȘme efficacitĂ©.

La communautĂ© scientifique dĂ©ploie de constants efforts pour dĂ©velopper des alternatives scientifiquement crĂ©dibles et Ă©thiquement acceptables Ă  l’utilisation d’animaux. Le Gircor encourage et promeut le recours Ă  toutes alternatives permettant le remplacement des animaux en recherche dĂšs lors qu’elles sont validĂ©es et reconnues d’utilitĂ©.

Alternatives

« La recherche clinique et l’épidĂ©miologie, in humano, avec le consentement Ă©clairĂ© des sujets humains solidaires, sont des sources prĂ©cieuses d’informations Ă  ne pas nĂ©gliger.

Ces mĂ©thodes ne demandent qu’à ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es dans le respect d’une rĂ©flexion bioĂ©thique dĂ©jĂ  bien encadrĂ©e »(p22) 

Les études cliniques de phase I reposent déjà sur des volontaires humains. Les recherches fondamentales menées avec des humains font partie intégrante des nombreuses approches utilisées pour comprendre le vivant et la biologie humaine, et sont trÚs souvent utilisées en parallÚle ou sont étayées par des recherches menées avec des modÚles animaux.

En aucun cas, l’implication d’humains lors de phases prĂ©alables de validation de nouvelles thĂ©rapies ne peut ĂȘtre Ă©thiquement considĂ©rĂ©e comme une mĂ©thode alternative possible.*

« L’enseignement sans les animaux« (p24) 

Contrairement Ă  ce que laisse entendre One Voice, l’enseignement a dĂ©jĂ  mis en place des simulations numĂ©riques et organiques pour rĂ©duire le nombre d’animaux utilisĂ©s. A titre d’exemple, l’École de chirurgie – HĂŽpital virtuel de Lorraine a divisĂ© par quatre le nombre d’animaux dans ses formations depuis 2010 tout en passant de 400 Ă  3 000 Ă©tudiants. Si ces simulateurs permettent d’acquĂ©rir le bon geste technique, le recours Ă  l’animal reste indispensable pour anticiper tous les Ă©vĂšnements pouvant survenir lors d’une opĂ©ration : gonflement des tissus, risque hĂ©morragique, variation des paramĂštres vitaux…

Est-ce que les mĂȘmes « sujets humains solidaires » prĂ©cĂ©demment citĂ©s seraient prĂȘts Ă  ĂȘtre opĂ©rĂ©s par un chirurgien qui ne se serait formĂ© qu’avec des simulateurs ?

Recherche vétérinaire clinique

« Aucune réglementation spécifique ne semble encadrer cette recherche clinique vétérinaire en France » (p26)

Les pages 26 et 27 du rapport montrent un mĂ©lange entre les Ă©tudes prĂ©cliniques (en laboratoire pour dĂ©montrer la tolĂ©rance et l’efficacitĂ© d’un mĂ©dicament en dĂ©veloppement), les Ă©tudes cliniques (en conditions terrain d’un mĂ©dicament en dĂ©veloppement sous sa forme dĂ©finitive) et Ă©tude Ă©pidĂ©miologique/post AMM (Ă©tudes d’une population, de marqueurs
 ou de mĂ©dicaments qui ont l’AMM).

Quelques éléments de réglementation pour les études précliniques et cliniques :

Dans le chapitre I, article 1, paragraphe 5, la Directive 2010/63/UE prĂ©cise qu' »elle ne s’applique pas […] aux essais cliniques vĂ©tĂ©rinaires nĂ©cessaires aux fins d’une autorisation de mise sur le marchĂ© d’un mĂ©dicament vĂ©tĂ©rinaire ». Les animaux entrant dans ce type d’études ne sont donc pas comptabilisĂ©s dans les statistiques d’utilisation des animaux.

De son cÎté, dans son annexe II, le RÚglement UE 2019/6 du Parlement européen et du Conseil précise les conditions de développement de médicaments vétérinaires en vue de leur AMM. Parmi lesquelles : 

  • Les essais pharmacologiques et toxicologiques doivent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s conformĂ©ment aux bonnes pratiques de laboratoire, dans un environnement contrĂŽlĂ© pour limiter les biais expĂ©rimentaux. Ils sont obligatoires avant de rĂ©aliser des Ă©tudes sur le terrain. Il est donc inenvisageable de faire appel d’emblĂ©e Ă  des chiens de propriĂ©taires (et si c’Ă©tait le cas, il faudrait sans doute recourir Ă  beaucoup plus d’animaux pour obtenir des rĂ©sultats statistiquement valables).
  • Il est fait rĂ©fĂ©rence aux monographies fixant les modalitĂ©s de rĂ©alisation des Ă©tudes pour leur acceptabilitĂ©.

Si toutefois la réglementation était revue afin de permettre de faire des essais cliniques de phase I (ou équivalent) sur des chiens avec des propriétaires volontaires, un solide encadrement éthique serait alors indispensable pour éviter de se voir développer des filiÚres parallÚles financiÚrement lucratives.

« De plus, pour les prĂ©lĂšvements sanguins, par exemple, il est envisageable de recourir, comme cela se fait pour les personnes humaines, Ă  des anesthĂ©siants locaux afin que le chien ne souffre pas de la pĂ©nĂ©tration de l’aiguille. » (p27)

L’utilisation d’un anesthĂ©siant local pour une prise de sang pour les « personnes humaines » (sic) est loin d’ĂȘtre systĂ©matisĂ©, comme l’indique le site du rĂ©seau de laboratoires Cerballiance et qui prĂ©cise les conditions de mises en oeuvre de cet anesthĂ©siant local.

La Finlande

La Finlande : le pays pour lequel on pourrait « contester l’appellation « expĂ©rimentation animale » pour ce type de pratique, qui relĂšve en fait de la recherche clinique sur des patients canins. »  (p2, p3, p4, p5, p9, p16, p26)

 

Tout au long de ce rapport, la Finlande est rĂ©guliĂšrement citĂ©e comme l’exemple Ă  suivre. 

Le nombre important de chiens de compagnie utilisĂ©s dans les procĂ©dures finlandaises tant vantĂ© dans le rapport est principalement dĂ» aux recherches du professeur Hannes Lori et de son Ă©quipe qui, depuis plus de 20 ans, Ă©tudient les maladies gĂ©nĂ©tiques des chiens grĂące Ă  des Ă©chantillons sanguins (comme l’Ă©quipe GĂ©nĂ©tique du Chien de l’UniversitĂ© de Rennes). Comme prĂ©cisĂ© dans le rapport, le but des Ă©tudes finlandaises est d' »étudier la santĂ© des chiens ainsi que leurs maladies connues ». La Finlande a fait le choix de rentrer dans la base ALURES les Ă©tudes cliniques vĂ©tĂ©rinaires qui n’entrent habituellement pas dans ce champ d’application et n’ont donc pas Ă©tĂ© renseignĂ©es pour les autres pays.

Ces études se font dans le cadre du concept de One Health et les résultats peuvent donc bénéficier aux autres animaux et aux humains. 

Sur le plan statistiques d’utilisations, il faut rappeler une Ă©vidence : les pays qui hĂ©bergent plusieurs centres de recherche prĂ©clinique ne peuvent ĂȘtre comparĂ©s aux pays qui en ont peu ou pas du tout. Le tableau prĂ©sentĂ© en page 5 du rapport le montre pourtant bien et montre Ă©galement que les mĂ©dicaments vĂ©tĂ©rinaires pour les chiens ne sont pas dĂ©veloppĂ©s en Finlande et y sont donc forcĂ©ment importĂ©s.

« La France pourrait largement s’en inspirer et rĂ©flĂ©chir Ă  une rĂ©glementation spĂ©cifique qui protĂšge rĂ©ellement les animaux, notamment en s’assurant de leur consentement et de celui de leurs humains. » (p26)

« Correctement encadrĂ©es, ces pratiques pourraient prĂ©voir non seulement de ne rien faire sans l’accord de la famille de chaque patient canin, mais aussi de laisser ce dernier exprimer lui-mĂȘme ses rĂ©ticences, quitte Ă  le retirer de l’étude s’il en manifeste la volontĂ©. » (p27)

« Chaque chien, incapable de donner un consentement Ă©clairĂ©, ne devrait pouvoir ĂȘtre utilisĂ© que dans des projets dont les rĂ©sultats peuvent lui ĂȘtre personnellement bĂ©nĂ©fiques » (p27)

« Respecter les choix manifestés par les chiens » (p27)

Les études de terrain impliquent déjà un consentement écrit et éclairé des propriétaires des animaux.

Quant aux chiens, il faut « s’assurer de leur consentement », le « laisser exprimer lui-mĂȘme ses rĂ©ticences, quitte Ă  le retirer de l’Ă©tude s’il en manifeste la volonté » pour conclure que « chaque chien [est] incapable de donner un consentement Ă©clairé » tout en prĂ©cisant qu’il faut « respecter les choix manifestĂ©s par les chiens ».

Antispécisme et revendications

« De nos jours, le critĂšre majeur retenu par les spĂ©cialistes en Ă©thique animale et en philosophie morale est la sentience, c’est-Ă -dire la capacitĂ© d’un individu Ă  ressentir du plaisir, de la douleur et des Ă©motions, Ă  avoir un point de vue et des intĂ©rĂȘts vis-Ă -vis du monde qui l’entoure. C’est ce qu’expose la DĂ©claration de MontrĂ©al, signĂ©e en octobre 2022 par des centaines de spĂ©cialistes de diverses Ă©coles de pensĂ©e »  (p21) 

Voici quelques extraits de la Déclaration de Montréal :

  • « Nous sommes des chercheurs et chercheuses en philosophie morale et politique. »
  • « La plupart d’entre nous pouvons d’ores et dĂ©jĂ  nous passer d’aliments d’origine animale »
  • « L’appartenance Ă  un groupe biologique (qu’il soit dĂ©limitĂ© par l’espĂšce, la couleur de peau ou le sexe) ne peut justifier des inĂ©galitĂ©s de considĂ©ration ou de traitement. »
  • « Il est donc essentiel d’Ɠuvrer Ă  [la] disparition [de l’exploitation animale], en visant notamment la fermeture des abattoirs, l’interdiction de la pĂȘche et le dĂ©veloppement d’une agriculture vĂ©gĂ©tale. »

Ce rapport d’étude est donc plus le fruit d’une rĂ©flexion antispĂ©ciste inspirĂ©e par des  chercheurs… en philosophie morale plutĂŽt que le rĂ©sultat d’une expertise scientifique rigoureuse comme il veut le faire croire.

« Nos revendications [..] : l’Ă©tablissement […] d’un calendrier inconditionnel de sortie de l’expĂ©rimentation animale pour les tests rĂ©glementaires [et] d’un calendrier inconditionnel de sortie de l’expĂ©rimentation animale pour la recherche fondamentale et appliquĂ©e dans l’Union europĂ©enne. »  (p23)

VoilĂ  qui est clair : arrĂȘt de recherche sur les animaux en Europe !

Nous importerons donc des mĂ©dicaments dĂ©veloppĂ©s hors de l’UE dans des conditions moins strictes et moins respectueuses du bien-ĂȘtre des animaux… si nous y avons encore accĂšs une fois que toute la recherche animale aura disparu d’Europe. Les pĂ©nuries rĂ©centes de mĂ©dicaments essentiels comme le paracĂ©tamol ou l’amoxicilline devraient nous donner Ă  rĂ©flĂ©chir.

Conclusion

La dĂ©marche de transparence n’a aucun sens si elle ne s’accompagne pas de tous les efforts possibles pour aboutir Ă  des pratiques irrĂ©prochables. Comme dans tous les domaines, la perfection n’existe pas, mais la dynamique vertueuse est trĂšs forte, et la recherche animale d’aujourd’hui n’a plus grand-chose Ă  voir avec ce qui se faisait il y a encore une vingtaine d’annĂ©es.

Certaines associations de protection animale ont grandement contribuĂ©, de part leur exigence et leur intĂ©gritĂ©, Ă  l’amĂ©lioration des pratiques, car leur dĂ©marche Ă©tait rationnelle, constructive et visait une recherche respectueuse de l’animal.

Le but des associations antispĂ©cistes comme One Voice est tout autre, il vise Ă  la fin de toute utilisation d’animaux (compagnie, Ă©levage, loisirs, recherche…). Dans le contexte de la recherche, leur action passe par le discrĂ©dit systĂ©matique de la communautĂ© scientifique et des pouvoirs publics, quel qu’en soit d’ailleurs le prix pour notre santĂ© et celle de nos animaux.

Ce rapport reflĂšte cette position radicale et simpliste. Il ignore les avancĂ©es, y compris les plus rĂ©centes, rendues possibles grĂące Ă  l’utilisation d’animaux : la dĂ©couverte de nouveaux traitements contre le cancer, les maladies mĂ©taboliques ou neurologiques, le dĂ©veloppement des vaccins Ă  ARN messager qui ont contribuĂ© Ă  mettre fin Ă  la pandĂ©mie. DerriĂšre sa prĂ©tention pseudo-scientifique, il s’agit en rĂ©alitĂ© d’une suite dĂ©sordonnĂ©e de contre-vĂ©ritĂ©s, d’approximations, de remises en question de la science et d’accusations contre le « systĂšme ».

Le Gircor accompagne l’amĂ©lioration des pratiques en recherche animale, tout en promouvant le dĂ©veloppement de mĂ©thodes alternatives. Dans ce contexte, nous ne pouvons que dĂ©plorer ce genre de rapports trompeurs qui n’amĂšnent que de la confusion au dĂ©bat.

*ce passage étant un copier/coller du précédent rapport sur les primates, nous avons également copié/collé notre fact-checking précédent.

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