Sérum de veau fœtal : 5 questions autour de son utilisation

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Peu connu du grand public, le sérum de veau fœtal est un ingrédient couramment utilisé pour la culture de cellules in vitro. Rôle, avantages, inconvénients, question éthique, alternatives… Une nouvelle étude a fait le tour du sujet.

Le sérum de veau fœtal, aussi appelé sérum fœtal bovin (FBS en anglais), est une fraction du sang du fœtus de la vache. Comme tout sérum sanguin, il s’agit du liquide surnageant obtenu après coagulation et centrifugation du sang. Il est dépourvu de cellules et de protéines de la coagulation, mais contient en revanche un certains nombre de facteurs (protéines, hormones, ions) propices à la croissance cellulaire.

Comme il est couramment utilisé dans la recherche in vitro et qu’ils pose un certain nombre de problèmes, une étude scientifique publiée dans la revue Altex (pour “Alternatives to animal experimentation”) a fait le point sur ce produit biologique et ses alternatives.

A quoi sert le sérum de veau fœtal ?

De par ses richesses en protéines globulaires, principalement en albumine, le sérum fœtal bovin est traditionnellement utilisé en laboratoire pour la culture de cellules et de tissus in vitro, et ce depuis la fin des années 1950.

Pour que des cellules puissent survivre, grandir et se multiplier, elles ont en effet besoin d’évoluer dans un milieu suffisamment riche en nutriments, ce à quoi correspond le sérum fœtal bovin. Il contient en effet des facteurs de croissance, des protéines, des vitamines, des oligo-éléments et des hormones essentiels à la croissance et à la survie des cellules cultivées in vitro.

Comment est-il obtenu ?

C’est le problème éthique majeur du sérum de veau fœtal. Il provient du sang de fœtus de vache, prélevé au moment de l’abattage de vaches gestantes. Le fœtus est retiré du ventre de sa mère, et la totalité de son sang est prélevé par ponction cardiaque, le plus souvent sans anesthésie afin de garantir la qualité de l’échantillon. Cependant, il existe désormais des preuves de la sensibilité du fœtus à la douleur générée par le manque progressif d’oxygène qu’entraîne le prélèvement sanguin. A moins de tuer l’animal avant prélèvement, ou de l’empêcher de prendre sa première respiration qui engendre un état de conscience, la collecte de sang entraîne inévitablement une souffrance pour le veau. Et bien que des recommandations aient été données pour limiter voire empêcher cette souffrance, l’obtention du FBS s’effectue encore majoritairement sur des veaux encore vivants et conscients, précisent les auteurs de l’étude. Un gros paradoxe lorsque l’on sait que les expérimentations en science du vivant sont régies par la règle des 3R visant à réduire le nombre d’animaux utilisés, à améliorer leurs conditions de vie et à remplacer leur utilisation dans la mesure du possible, et en particulier par des expérimentations in vitro.

Quels sont ses autres défauts, quels problèmes pose-t-il ?

Outre les questions éthiques qu’il soulève, le sérum fœtal bovin présente également des inconvénients techniques. La composition exacte de ce sérum varie beaucoup en fonction des lots, ce qui complique la recherche et la reproductibilité des résultats d’un laboratoire à l’autre. Le FBS peut également induire une croissance inappropriée des cellules cultivées in vitro, tel qu’un retard dans la différenciation de ces cellules ou encore un blocage de la maturation cellulaire. Comme tout échantillon biologique, le FBS peut être contaminé par des virus, des endotoxines, des bactéries ou encore des prions (protéines pathogènes).

Enfin, le sérum de veau fœtal peut également pâtir de problèmes de fraudes, comme ce fut le cas au printemps 2013. Un fournisseur mondial de FBS avait en effet mélangé le sérum avec de l’albumine bovine, de l’eau et d’autres additifs favorisant la croissance cellulaire, sans en avertir la communauté scientifique. La Food and Drug Administration des Etats-Unis avait ainsi montré qu’entre 2008 et 2013, 143 lots de FBS avaient été touchés par cette fraude, soit un volume total de 280 000 litres. Ce mélange a pu avoir un impact important sur nombre d’expériences scientifiques menées sur des cultures cellulaires. Très utilisé par la communauté scientifique, le FBS est victime de son succès et subit une fluctuation de son prix. Aussi les scientifiques s’attèlent-t-ils à trouver des produits de substitution au vu des nombreux désavantages du sérum fœtal bovin.

Par quoi pourrait-on le remplacer ?

En fonction des cellules cultivées, plusieurs options sont envisageables pour se passer du sérum de veau fœtal. On distingue ainsi cinq solutions qui diffèrent selon leur composition :

  • une solution sans sérum : il s’agit d’un milieu qui ne provient pas d’un sérum mais qui peut contenir des protéines ou des fractions protéiques issues de tissus animaux ou d’extraits végétaux, dont la composition est donc chimiquement méconnue ;
  • une solution sans protéines : ce milieu ne contient pas de protéines à haut poids moléculaire, mais peut contenir des peptides (composants des protéines), dont la composition chimique exacte demeure méconnue ;
  • une solution dépourvue de composants animaux : ce milieu ne contient aucune substance d’origine animale ou humaine, mais des composants d’origine bactérienne ou végétale par exemple. Sa composition chimique exacte n’est pas forcément connue ;
  • une solution chimiquement définie : cette dernière solution diffère des autres par le fait que l’on sait avec précision ce qu’elle contient, à savoir des hormones ou des facteurs de croissance pouvant être d’origine animale ou végétale, ou même des composants recombinants produits en laboratoire.

Si ce dernier type de milieu de croissance cellulaire n’est pas encore disponible pour tous les types de cellules que l’on souhaite cultiver in vitro – elles n’ont pas toutes les mêmes besoins – des modèles chimiquement définis ont été mis au point pour certains types cellulaires (voir ci-après).

www.youtube.com/embed/TXS_YZaj6us

A-t-on des exemples d’études in vitro menées sans ce sérum et ayant fonctionné ? 

  • L’espoir du lysat plaquettaire humain (ou HPL)

L’alternative la plus solide à ce jour pour remplacer le sérum de veau fœtal est l’utilisation du lysat plaquettaire humain. Il s’obtient à partir de la fraction liquide du sang non coagulé, ou plasma sanguin, qui est riche en plaquettes, et qui contient des lipides, des facteurs de coagulation mais aussi et surtout des hormones et des protéines, notamment de l’albumine. Un lysat plaquettaire humain peut être produit à partir d’un simple don de sang. Le HPL s’obtient en effectuant des cycles de congélation/décongélation de concentrés de plaquettes, produits déjà utilisés à des fins de transfusion sanguine et donc bien connus de la communauté scientifique.

Cette solution de remplacement du FBS est d’autant plus prometteuse que plusieurs études ont montré que le lysat plaquettaire humain avait une efficacité supérieure au FBS en termes de prolifération cellulaire, d’activité métabolique et de différenciation des cellules cultivées en laboratoire. Récemment, une étude menée sur des lignées de cellules de la cornée a validé l’utilisation du HPL à la place du sérum fœtal bovin, et a même montré de meilleurs résultats. 

  • Des expériences menées avec des solutions sans sérum ayant réussi

Si l’utilisation de milieux de croissance exempts de FBS est encore rare dans la recherche, quelques études ont permis de montrer que de tels milieux pourraient convenir pour mener à bien des expériences sur cultures cellulaires. C’est notamment le cas d’une étude menée sur une lignée cellulaire de fibroblastes de souris (baptisée L929). D’abord cultivées dans une solution de FBS, des cellules ont été ensuite mises en contact avec une solution sans sérum. Résultat : si ces cellules se multipliaient moins vite, elles ont continué leur prolifération au cours des mois, permettant aux scientifiques de continuer leurs expériences.

Menée à l’échelle des organes, une autre étude a permis de valider l’utilisation d’un milieu sans sérum pour la culture de cellules. Un système modélisant quatre organes (foie, coeur, neurones et muscle) a ainsi été créé pour mesurer la toxicité de cinq médicaments couramment utilisés. L’évaluation du système était basée sur plusieurs critères tels que la viabilité des cellules, la production d’urée et d’albumine, les réponses électrophysiologiques ainsi que la fréquence de contraction des muscles et des cellules cardiaques. Et les résultats de toxicité des médicaments injectés ont été les mêmes que ceux rapportés dans la littérature et obtenus sur des cellules baignées dans du sérum de veau fœtal. De quoi prouver que des systèmes d’organes in vitro peuvent être construits et utilisés dans la durée à l’aide de milieux de culture sans sérum.

Malgré ces réussites, la science a encore du mal à se tourner vers les alternatives au sérum fœtal bovin, du fait des difficultés que ce changement entraîne, en termes d’approvisionnement, de coût, de contraintes etc. Aussi les auteurs de cette étude appellent-ils à la mise en place de mesures incitatives pour pousser à la production, à la commercialisation et à l’utilisation d’alternatives au sérum de veau fœtal.

Hélène Bour

En savoir plus : 

https://www.altex.org

https://ec.europa.eu/environment/chemicals/lab_animals/3r/pdf/jan_vandervalk.pdf

http://www.labome.fr/method/Fetal-Bovine-Serum.html

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